
Nouvelle interview sur Valliue ! Après Cosmic Boys (à retrouver ICI), c’est au tour de l’un des boss de Hungry Music, Worakls, de répondre à nos questions. Le producteur nous parle de son projet Orchestra qui arrive le mois prochain, sa composition, ainsi que de sa tournée live avec l’orchestre de Philharmonie Provence Méditerranée. Retrouvez l’intégralité de ses propos ci-dessous :
Salut Kévin ! Tu avais déjà accordé une interview pour Valliue, à I Love Techno il y a deux ans (à retrouver ICI). Comment ça va depuis le temps ?
Fatigué (rires) ! Fatigué car j’ai pas arrêté mais ça va, motivé !
Aujourd’hui, on se retrouve à Paris à l’occasion de ton projet Orchestra qui arrivera le 15 février prochain. C’est l’aboutissement de quelques années de travail pour toi ! Peux-tu nous dire ce que tu ressens ?
Alors, ce sera « Cloche », le premier titre qui sortira le 15 février, et l’album le 8 mars. Honnêtement, j’ai passé tellement de temps la tête sous l’eau que je saurais même pas dire. En fait, je suis concentré, je suis dans le truc. J’ai un peu la tête dans le guidon et j’ai pas trop le temps de relever la tête et de me dire : “Tiens j’en suis où ? Qu’est ce qui se passe ?”. Non, ça va trop vite en fait. Si tu veux, j’ai enchaîné une grosse période où j’alternais entre les dates de concerts tous les week-ends et la création de l’album. Là, je viens tout juste de sortir de la création du concert et de son écriture. J’ai pas eu de répit. Ça doit faire peut-être six mois que je n’ai pas eu un jour de repos dans la semaine. Donc, j’ai un peu de mal à voir où j’en suis. Enfin, j’ai plutôt du mal à prendre du recul, je sais que ça avance et je suis très satisfait de ce que j’ai jusqu’à présent. J’ai hâte de le montrer au public.
Orchestra est le premier album sur Hungry. À quoi peut-on s’attendre ? (Le nombre de titres, la thématique principale..)
Déjà, je peux vous dire qu’il y aura 10 titres. Pour la thématique, je n’ai pas réellement voulu qu’il y en ait une, hormis la présence du mélange avec la musique de film. Donc on se doute bien qu’il y aura différents instruments : orchestraux, classiques comme des cuivres, des violons, des pianos… Il n’y a pas de morceau qui ressemble à un autre je pense dedans. Que des nouveautés mis à part deux morceaux. L’un est un titre que je n’ai jamais sorti et que je vais enfin dévoiler, il s’appelle “Cloche”. Et l’autre, c’est un morceau que j’utilisais beaucoup en live ces deux dernières années, qui s’appelle “Crow” et que j’utilisais en fin de concert pour laisser la salle à feu et à sang, qui est plutôt drum’n bass et qui se trouve aussi sur l’album.
Quelle a été la principale difficulté dans la composition de cet album ?
Il y a plusieurs choses. Il y a déjà le fait de toujours devoir gérer le curseur, c’est-à-dire que j’écoute beaucoup de musique de films et de la musique classique, pour ne pas dire exclusivement. Si tu veux, si je m’écoutais, je pourrais faire un morceau de musique de film pure sans rien d’autre autour. Donc, toujours savoir où mettre le curseur et c’est difficile de prendre du recul. Et d’autre part, ce qui est difficile, je pense que c’était d’allier la création de l’album, d’avoir une continuité dans la démarche créative avec le fait de faire autant de dates. C’est très difficile, mais c’est comme ça que ça fonctionne aujourd’hui et il faut l’assumer. C’est compliqué parce que le jeudi tu as la bonne idée, et le lendemain tu pars à Istanbul, puis tu reviens le dimanche. Tu es fatigué donc tu t’y remets le lundi. Il s’est passé pas mal de temps depuis ta dernière idée et c’est pas évident ensuite de s’y remettre dedans, d’être aussi efficace que lorsque tu te trouves 24h/24 dans le studio.
As-tu eu des craintes en te lançant dans ce pari fou ? Tu n’avais pas peur que ça ne parle pas à tout le monde ?
Ouais, bien-sûr. Évidemment, surtout que c’est assez ambitieux. Mais j’ai envie de dire, de toutes façons, c’est un métier qui nous permet de prendre des risques. Si je ne prenais pas de risque, je pense honnêtement que je me ferais chier. Alors oui, tu me diras “Tu peux voyager avec des destinations différentes, des publics différents”, mais il y a une certaine continuité quand on est à notre place et qu’on joue un live. Enfin, moi j’ai un live, je joue mon live. Alors, même si je le fais évoluer au cours du temps, ça reste mes morceaux. J’ai besoin tous les un an, deux ans, d’inventer un nouveau projet, de me réinventer, d’avancer, de continuer à repousser mes limites et de proposer quelque chose de nouveau.
Tu parles donc de mélanger l’émotion de la musique électronique à celle de la musique de films. Peux-tu nous décrire ces deux émotions respectives ?
Moi je trouve que dans la musique électronique, il peut y avoir un côté bestial, voire même tribal, qui t’emmène vers une forme de transe de part ses boucles et le fait que ce soit de la musique répétitive. Et la musique classique ou de film… Elle est plus dans l’émotion pure. Pour moi, ce qui me manque dans la musique classique, c’est une certaine énergie bien qu’il y ait des morceaux très énergiques. Ce qui me manque dans la musique électronique, c’est parfois une certaine émotion, même si ça existe. J’ai toujours cru que je pouvais prendre un extrait de chacun de ces deux styles, les mélanger, de les passer au shaker et de faire un petit cocktail.
D’après toi, ces émotions liées à la musique sont-elles perçues par tout le monde de la même manière ?
Je pense que globalement il y a une culture commune. Après, c’est toujours divisé par la subjectivité et nos goûts personnels évidemment. Maintenant, effectivement, sur un morceau qui va prêter un peu à confusion, c’est-à-dire qu’on saura pas trop si le morceau est triste, nostalgique ou d’amour par exemple. Ce sont des trucs qui peuvent être très proches. Par exemple un bleu, des fois il y a des bleus qui ressemblent un peu à du vert, tu vois ce que je veux dire ! Chacun aura sa vision de la chose. Maintenant, je pense que si chacun peut faire son film sur les musiques de l’album, je pense qu’il y a des directions assumées et définies.
Dans la vidéo de teasing de la tournée et de l’album, tu dis : “Je pensais que c’était un aboutissement, mais en fait ce n’était qu’un début ”. Tu as déjà des idées pour la suite ?
Alors… La suite, les idées. Dans un premier temps, je me suis dit “Putain, j’y arrive à ce truc là. Ça fait des années que j’y pense et ça va enfin éclore”. J’ai énormément de chance parce que pour le coup on a lancé le truc, les gens nous ont suivis, il y a déjà énormément de places de vendues. Ça m’a ôté d’un poids, pour en revenir à ta question précédente. Voilà je me suis dit “Est-ce que ça va marcher ? Est-ce que les gens vont suivre ? Est-ce que ça va leur plaire ?”. On sait toujours pas si ça va leur plaire, en tout cas ça les intéresse pour l’instant et c’est déjà pas mal. Ce que je me dis, c’est que je pense qu’il y a une bonne partie de mon public qui veut que je leur offre une certaine émotion. Et c’est là, je pense ma direction. Donc, je pense pas que cette tournée Orchestra sera la dernière et que ce sera un aboutissement. Je pense au contraire que c’est un début de quelque chose de nouveau et qu’il y a moyen de le développer, je ne sais pas vers quoi encore. Pour l’instant, c’est flou au même titre que l’Orchestra était flou il y a cinq ans. Je pense qu’il y a moyen de faire encore plus gros par la suite, mais pour l’instant je me concentre là-dessus étant donné que je n’ai pas fait encore une date. On verra ce que ça donne.
Et justement, as-tu déjà pensé à élargir ce projet avec l’ensemble de la team Hungry ?
Pourquoi pas. Mais pour le coup, là ce sont vraiment mes goûts, le fait de mettre de la musique orchestrale, de la musique de film, c’est vraiment plus moi qui aime ça. Antho (ndlr : N’to) a d’autres kiffs et Joachim (ndlr : Joachim Pastor) encore d’autres. Donc le fait qu’ils viennent intervenir dessus, évidemment ils sont toujours les bienvenues, mais je pense que c’est un projet qui m’intéresse plus moi.
En septembre dernier, Hungry Music a rempli l’Olympia pour ses 5 ans ! Tu remets le couvert dans la même salle en février pour le show Orchestra. Deux Olympia en moins de 6 mois, ça doit être quelque chose de particulier ?
Mais oui ! C’’est que le côté euphorique et vraiment je m’estime heureux d’être là… Mais je me dis “J’ai 30 ans et je fais mon troisième Olympia”. En fait, c’est assez incroyable, ça va trop vite, on se rend pas compte et je pense qu’il faut profiter. Et c’est ce qu’il y a de dommage dans ce métier, on a pas tout le temps le temps de profiter. Si tu veux en arriver là, faut jamais te reposer sur tes acquis et pourtant il faudrait savoir parfois lever le pied et faire l’état des lieux parce que c’est beau. J’ai beaucoup de chance.
Il est sold-out en plus non ?
Ouais, c’est sold-out en plus, j’ai beaucoup de chance, mais après je pense que l’Olympia en tant que tel, c’est magique. Point ! Après que tu en fasses deux, trois, dix, vingt ou trente… Un Olympia, c’est juste fou de toutes façons. Le soir où tu y es, c’est toujours la même émotion. En tout cas, les deux premiers que j’ai vécus, c’était ça. J’espère pour le troisième, mais on verra. Je touche du bois (rires).
Quelles sont les différences majeures entre la préparation d’un live « Worakls », et celle d’un show Orchestra ?
Alors un live “Worakls”, si tu veux, je suis complètement maître de mon truc. Étant donné que je connais parfaitement mes morceaux, je peux me permettre des improvisations, je peux me permettre des choses. Là, il y aura beaucoup moins de place à l’improvisation. Quand tu as vingt personnes derrière, dans l’orchestre, tu peux pas leur faire un petit signe et leur dire “Les gars,on fait le tour une fois de plus”, c’est pas possible. Là, il y a des partitions, il faut les suivre sinon c’est le chaos complet. Évidemment, la préparation est énorme. Habituellement, je finis un morceau et je le découpe pour pouvoir l’incorporer à mon live et être le plus libre possible, je le torture un petit peu, je regarde ce que je pourrais faire au clavier par-dessus, ça va assez vite au final. Là, il faut écrire pour la flûte, pour les violons, pour les altos, pour les violoncelles, les trombones, pour les cordes, les percussions, il y a tout un boulot derrière. Il y a à la fois un boulot d’écriture, mais aussi de réinventer certaines parties, certains morceaux, qui n’ont pas été pensés pour ça. Je pense par exemple, en spoilant un peu… Un morceau comme “Salzburg” que j’ai envie de jouer avec l’orchestre, il faut que je le réinvente. Il a fallu recréer, réinventer, écrire des choses sur un morceau existant tout en essayant de garder le fond et ce qu’aiment les gens dans ce morceau. C’est un travail minutieux, beaucoup plus délicat, beaucoup plus casse gueule aussi, mais tellement passionnant.
Tu dis donc qu’il y aura des reprises de tes morceaux avec l’orchestre dedans. Il y a quelque temps, Ed Banger a fêté ses 15 ans, aussi avec un orchestre. Est-ce que c’est plus gratifiant de faire un morceau en prod ou d’en rejouer un avec un orchestre ?
Alors, j’ai trouvé très sympa ce qu’a fait Ed Banger, je critiquerai pas du tout. Honnêtement, je l’ai regardé, j’ai trouvé ça vraiment cool parce que tu re-découvres les morceaux. Moi, j’ai une démarche un peu différente, c’est-à-dire que ce que je veux, c’est que dans ma composition, ce soit déjà là. Si tu veux, mon but n’est pas d’enlever l’électro ou de réinventer pour un concert, mais que l’orchestre soit déjà dedans dans les originaux et que les gens les aiment tels quels, avec du violon, des cuivres, de la guitare, avec tout ça. Donc la démarche est un poil différente, je saurais pas te dire ce que je préfère. J’ai trouvé que ce qu’avait fait Ed Banger était super sympa. Ça a permis de retrouver, de redécouvrir les morceaux avec des versions un peu différentes. Moi, ce que je veux, c’est développer ma musique et au lieu de les jouer par l’ordi, de les jouer avec l’orchestre.
Tu as un programme assez chargé pour 2019, tu as d’autres projets ?
Ouais, j’ai quelques projets, des propositions. Des petits films par-ci, des petits jeux vidéos par-là. Des trucs qui m’intéressent pas mal, des documentaires, pleins de choses en fait. Je pense que je n’arriverais encore une fois à pas tout faire. Mais c’est comme je te disais un peu plus tôt, ça va trop vite et c’est difficile d’envisager sur du long terme. Tu envisages plus sur du moyen terme et là, j’ai tellement la tête dans l’Orchestra, que pour le moment, j’attends que les répétitions soient passées et qu’on ait envoyé la première date. Et après, je pourrais me dire réellement “Là c’est bon, il me reste encore toute la tournée, mais elle va tourner, tout va bien, mon orchestre suit, tout est cool et les gens aiment. J’ai pas besoin de revenir dessus ». Voilà. À partir de ce moment-là, je me dirais “Qu’est-ce que je fais maintenant ?”.
Merci d’avoir répondu à nos questions ! As-tu un dernier message à faire passer ?
Merci à vous ! J’ai mis tout mon coeur dans cet album et ce live. J’espère vraiment qu’il vous plaira. En tout cas, merci à tous pour votre soutien que je reçois tous les jours. Ça aide vraiment à avancer !
Réalisation : Wag / Préparation : So’, Wag, Valso / Retranscription : So’ Montage : So’, Valso
Infos & Tickets : http://hungrymusic.fr/woraklsorchestra/
Une réflexion sur “Interview : Worakls (Orchestra)”