
Lors de la dernière édition du Blacklist Festival, nous avons eu l’occasion d’échanger quelques mots avec Hurtbox. De sa relation avec son frère HOL! jusqu’aux comparaisons entre les scènes dubstep française et américaine, retrouvez l’intégralité des propos de l’artiste français ci-dessous :
Bonjour Rudy, peux-tu te présenter pour ceux qui ne te connaissent pas ?
Mon prénom, c’est Rudy, et mon nom d’artiste c’est Hurtbox. Je suis français, originaire de Marseille. Ça fait 8 ans que je fais du Dubstep. Avec mes frères, on a toujours traîné dans le milieu Bass music, on a beaucoup été influencés par la scène londonienne. On a commencé à produire ensemble, on se faisait des défis pour la production, un peu de compétition sur FL Studio etc. J’ai toujours été passionné par la musique électronique en général, que ce soit aussi en Ambient (Burial, Vegyn, Aphex Twin, Boards of Canada,…) ou en DnB – surtout la Liquid.
C’est la question de base du site : quelle est ta définition de la musique électronique ?
Pour moi, c’est de la musique conçue sur interface électronique. Avec un séquenceur, en général, où ensuite tu ajoutes des éléments. C’est comme si tu étais un chef d’orchestre qui gère tous les instruments, les partitions… Tu mélanges tout jusqu’à ce que ça sonne cohérent. Je suis fan de créer tout à partir de zéro, sauf les drums et les voix.
Ton premier titre “Barmy” est sorti début 2020, quelques semaines avant le confinement. La pandémie a-t-elle été un frein ? Ou au contraire, se recentrer sur ta musique t’a permis de façonner ton projet tel qu’il est aujourd’hui ?
Ça m’a permis de retrouver une nouvelle direction artistique pour mon projet. Me recentrer sur ce que je préférais composer. Je dirais que ça a été une très bonne période pour moi. J’ai passé beaucoup de temps à essayer de trouver ce que je voulais être et devenir en tant qu’artiste. Aussi réfléchir à l’image que je voulais donner aux gens, comment ils me perçoivent. Surtout quand tu es producteur Dubstep, tu dois garder une certaine ligne directrice. C’est important de garder un même style, et que les gens se reconnaissent là-dedans.
Parlons de la track qui t’a fait exploser, “Knockout” avec Shiverz. T’attendais-tu à un tel accueil ? Le timing semblait, au final, parfait pour percer à ce moment-là !
Ça a été une révélation pour moi, parce que je n’avais jamais pensé à faire une collaboration avec un rappeur. Ce que je voulais que Shiverz fasse sur ce son, c’est qu’il ajoute sa touche et qu’il me donne une direction. Il a vraiment la touche qu’il fallait, la cerise sur le gâteau ! Cette voix qu’il a, très Grime, très underground, un peu cité londonienne, c’était parfait. On a quand même attendu pas mal de temps pour sortir le son, on a bien fait monter la hype autour. Elle a été jouée par plusieurs gros DJs, d’ailleurs. La track est simple, elle marche, elle reste dans la tête. Tu ne sais jamais si une track va fonctionner, mais là pour le coup, je le sentais bien.
Tu as commencé par un projet commun avec ton frère, HOL!, appelé “Strangers Twins”. Est-ce qu’une nouvelle collaboration serait envisageable ?
Il y a plein de collaborations avec lui qui ne sont pas dévoilées, on ne les montre juste pas pour l’instant. On est en train de construire le projet, on veut prendre notre temps, rester stratégiques et penser à comment ça va prendre forme. C’est un projet concret dans le sens où il prendra vie, mais on ne sait juste pas encore juste quand et comment. On attend juste de trouver la bonne opportunité et le bon timing. Alex (ndlr : HOL!), c’est le seul gars à qui j’envoie tous mes sons, à qui je demande des avis etc. Vu que c’est mon frère, je sais que son avis sera sans filtre. C’est ce que je veux comprendre de mon son, c’est ce qui me permet de prendre le recul nécessaire. On se soutient beaucoup mutuellement, sur tous les points.
Justement, un mot sur l’ascension fulgurante de HOL! ? Est-ce que cela peut être un exemple pour toi ?
Oui et non. Je suis fier de lui, ça c’est sûr. Mais je crée mon propre projet, et j’essaie de me démarquer de la montée en puissance qu’il a connue. Je préfère faire les choses lentement, mais sûrement. Je respecte énormément ce qu’il a fait, j’admire son parcours, mais dans un autre sens ça risque de me rendre moins fier de ce que je suis en train de réaliser. Par exemple, ça peut paraître moins incroyable aux yeux de mes parents quand je vais mixer aux Etats-Unis, parce qu’ils l’ont déjà vécu avec mon frère. Voilà, ça reste pour moi important d’être fier de ce que je fais. Mais c’est sûr que c’est un peu difficile quand ton frère jumeau a déjà vécu des choses similaires avant toi…
Tu continues à sortir des mixtapes, intitulées “Unchained”. Quelle est la plus-value de dévoiler une série d’unreleased ?
Premièrement, ça me permet évidemment de faire la promotion de mes tracks. Ensuite, c’est aussi utile pour filtrer les sons, savoir lesquels marchent le mieux et sont susceptibles de sortir ensuite. Je trouve aussi bien de remettre en avant les showcases, parce que ça ne se fait plus trop. Je trouve que ça manque un peu actuellement. Alors qu’il y a beaucoup d’intérêt à faire ça. C’est aussi la passion qui parle. J’aime bien construire un projet avec une histoire, ce n’est pas qu’une question de business. Ce projet, je l’ai lancé par pure passion. Oui, ça te rapporte de l’argent etc, il faut être stratégique, mais je suis avant tout quelqu’un de passioné.
Tu as récemment fait ta première tournée aux USA. Avec des dates sold out, puis ton set au Lost Lands. Peut-on dire que tu viens de passer un nouveau palier dans ta carrière ?
Clairement, oui. J’ai mixé devant 30-40 000 personnes, pour ma première très grande scène. C’était juste l’expérience d’une vie, ce n’est pas donné à tout le monde. Il n’y a pas de mots, tout simplement. Partager ton art à autant de gens, c’est ultra valorisant. J’étais quand même vraiment stressé avant mon set. Il ne faut pas oublier qu’en tant qu’artiste, on subit quand même beaucoup de pression et d’anxiété, surtout dans le cas des gens qui ne prennent pas de drogues ou ne boivent pas beaucoup, comme moi. Mixer au Lost Lands, ça a été une très bonne façon pour moi de me donner un défi, de combattre mes peurs, et de ne pas penser à comment ça allait se passer. C’était vraiment très important pour moi. Et ça s’est très bien passé ! En général, c’est plus de peur que de mal, il faut se lancer directement sans réfléchir, c’est comme l’eau froide.
Un mot sur la scène américaine, justement ? En comparaison avec la scène européenne ?
C’est sûr que c’est différent ! Les publics ne sont vraiment pas les mêmes. Aux Etats-Unis, c’est moins individualiste qu’en Europe, où les gens dansent plus pour eux-mêmes que pour les autres. Tu as un peu l’impression que c’est une marque. Ce sont vraiment des gros groupes, qui se montrent beaucoup avec des drapeaux par exemple. Les gens sortent beaucoup plus leur téléphone aux Etats-Unis qu’en France. Alors que lors de mon set pour Subtronics à Paris, il n’y avait absolument aucun téléphone, et il y avait une ambiance de fou ! J’ai adoré ça, moi : tout le monde vit le moment présent. Il y a aussi une autre réalité, c’est que si tu veux vivre de ton art en tant que DJ Dubstep, tu es obligé de tourner aux Etats-Unis. Le marché est là-bas, et il n’est clairement pas assez développé en France et en Europe. C’est impossible d’y vivre du Dubstep. Sauf si tu deviens mondialement connu, mais ça va t’emmener aux Etats-Unis automatiquement. Le processus d’obtention du visa prend du temps, et est très sélectif. C’est aussi une fierté de se retrouver entre Français là-bas !
Que penses-tu de l’état actuel de la scène Dubstep en France ? Les artistes français émergents à suivre absolument ?
J’ai l’impression que ça évolue un peu. Très lentement, mais sûrement. On a plus de plus d’artistes talentueux, avec notamment Roi* et d’autres petits artistes qui innovent et repoussent les limites du genre. C’est bien que ça continue à se développer en France, parce que ça va permettre à ce qu’un engouement se crée.
Tu as récemment joué en première partie de Subtronics à Paris, au Cabaret Sauvage. En novembre, tu joueras à Anvers au Trix avant Eptic. Quels sont, pour toi, les plus gros avantages de faire partie des tournées de si gros artistes ?
C’est la première fois que je joue dans ce contexte. Eptic, par exemple, est une légende, alors que moi, je dois encore faire mes preuves. C’est une expérience très valorisante pour moi parce que c’est un artiste que j’ai beaucoup suivi à l’époque. C’est une expérience unique. Pareil avec Shiverz, qui m’a beaucoup influencé et avec qui je me retrouve à collaborer.
Quels artistes t’ont introduit au Dubstep ? Et actuellement, quelles sont tes plus grandes influences actuelles ?
Au début, j’ai beaucoup été influencé par FuntCase. Sa présence sur scène, son masque etc. Je me suis dit que c’était assez spécial, mais aussi inspirant. J’ai un peu eu le désir d’être comme lui sur scène, d’avoir le même charisme. Sinon, j’ai beaucoup écouté Cookie Monsta, Doctor P, Midnight Tyrannosaurus, EH!DE, Spag Heddy… Au niveau de mes influences actuelles, je citerai HOL!, Automhate – qui est très talentueux -, Syzy – même si c’est un peu moins Dubstep actuellement -, et INFEKT. Pour être honnête, il y a très peu d’artistes qui me plaisent vraiment pour l’instant. J’ai l’impression que le monde du Dubstep est en pause. Il y a quand même l’essor du “wook style” aux Etats-Unis, avec l’essor de Levity notamment.
La collaboration dont tu rêves ?
SVDDEN DEATH, dont j’ai vraiment kiffé le projet VOYD et des tracks axées Riddim comme “Rise”. Ou MARAUDA. J’ai vraiment adoré ce qu’il faisait. Je pense que c’est l’artiste avec qui j’aurais pu faire un banger planétaire !
Quels sont tes projets à venir ? Tu as teasé plusieurs sons, dont des collabs avec Aweminus et Akirah…
J’ai beaucoup de projets qui arrivent prochainement, avec des plus grosses tournées, plus de dates, éventuellement une tournée avec un ou deux artistes – c’est encore à confirmer. J’essaie de voir plus grand, et de propager un peu le virus Hurtbox.
Merci d’avoir répondu à nos questions ! As-tu un dernier message à faire passer ?
Continuez à supporter la musique électronique en France ! Allez aux events, continuez de danser, de soutenir le Dubstep et la Drum & Bass – parce qu’il y a juste trop de Techno pour l’instant. Continuez à acheter les tickets, à aller voir les artistes et à les soutenir.
Réalisation : Antoine / Retranscription : Antoine / Préparation : Antoine & Valso
