Interview : Watermät

Il y a quelques jours, le génial Watermät posait ses valises à Toulouse pour jouer à l’Opium Club. A l’occasion, le DJ/Producteur français a pris un peu de son temps pour répondre à nos questions. Voici l’intégralité de ses propos :

Salut Laurent, peux-tu te présenter pour ceux qui ne te connaissent pas ?

Je suis DJ/Producteur connu sous le nom de Watermät, j’habite dans le sud-ouest de la France, à Hossegor. J’ai été connu du public en 2014 avec le morceau “Bullit” signé chez Spinnin’.

C’est la question de base du site… Quelle est ta définition de la musique électronique ?

La musique électronique, je pense au sens large que c’est de la musique produite avec des instruments électroniques. Voilà !

Quand on pense à toi, on pense naturellement à “Bullit”. Sortie il y a 4 ans, cette track a été un véritable carton avec plus de 30 millions de vues cumulées sur YouTube. Peux-tu nous expliquer l’histoire de cette production ?

Je produis de la musique bien avant Watermät, mais avant j’habitais justement Paris que j’ai quitté ensuite pour aller vivre à Hossegor. Ça correspondait à une période où j’avais envie de lancer un nouveau projet et où j’avais des potes que je voyais s’éclater beaucoup en tournée. Notamment des potes allemands qui avaient sorti un projet. Je me suis dit : « C’est encore la mode de l’EDM, mais je n’ai aucune sensibilité pour ce courant, je n’ai pas envie de produire ça ». Donc j’ai décidé de me faire plaisir et de partir sur des samples, de piocher dans la soul, le funk etc et essayer de trouver des choses qui m’inspirent et de produire un peu différemment. Peut-être un peu plus comme à l’époque du sample justement des années 2000 et de la french touch. C’est ce qui s’est passé en fait. Parce que “Bullit”, même si dans la version finale il y a plus de samples, que tout a été rejoué, l’idée de la flûte m’est venue en écoutant un vieux morceau que j’ai découpé d’une certaine manière et que j’ai fait rejouer par la suite. J’avais cet esprit non pas musique électronique, mais quelque chose avec des instruments organiques et j’ai rajouté ce son. C’est d’ailleurs un peu un hasard parce que c’est en cherchant un effet que je suis tombé sur un sample avec ce son là, et j’ai joué la mélodie avec après. C’est un morceau qui s’est fait un peu comme ça, par accident et au final je pensais vraiment pas à un succès comme celui-là. Ça a été une belle surprise !

Plus récemment, tu as sorti “Need U”, peux-tu nous en parler ?

“Need You”, c’est rien d’autre qu’un rythme un peu plus club et la basse est clairement disco, avec un sample de voix. C’est un morceau qui s’est fait comme ça, qui est assez simple. C’est plutôt un morceau club que radio, qui fonctionne bien et que j’aime beaucoup jouer. Et ça démontre un peu ce vers quoi je tends maintenant. Là, j’ai deux morceaux signés chez Spinnin’ qui arrivent et qui s’orientent entre tech house et disco.

Tu ne sors pas énormément de sons, généralement 3 ou 4 par an maximum. Par contre, l’ensemble de ta discographie est très bonne. Watermät, c’est la qualité avant la quantité ?

J’aime penser ça. Si tu me dis ça, tant mieux ! Mais la vérité c’est que j’aimerais sortir plus de titres, mais je suis assez difficile en studio parce que j’ai une façon très différente de celle des autres producteurs. C’est à dire que j’ai besoin, avant de me lancer, d’être continuellement inspiré et de lancer plein d’idées, d’avoir quelque chose qui me pousse à finir le morceau. Et l’air de rien, je n’arrive pas tant que ça à trouver ça et je peux passer des semaines parfois à fouiller, écouter des discographies entières et essayer de trouver quelque chose qui m’inspire pour arriver à sortir un titre. C’est vrai que ça prend du temps. J’aimerais aller plus vite sincèrement, mais je pense que c’est un peu ma façon de faire.

L’idée de produire un jour un album, ça ne te tente pas ?

Ça me parait compliqué, surtout que je pense que l’album aujourd’hui n’a d’intérêt que si tu es un gros artiste. David Guetta peut faire un album évidemment, Calvin Harris aussi on est d’accord. Mais finalement, tu vois que même ceux qui ont un gros succès, les gens écoutent les singles sur Spotify. Le temps moyen d’écoute sur la plateforme est en moyenne de 30 secondes. Et moi, ce qui m’intéresse, c’est de faire de la musique club, je ne pense pas en terme de radio. Je ne pensais pas que “Bullit” irait en radio et pourtant il a atterri sur Radio 1 en version instrumentale. Donc moi, je garde cette ligne de conduite et si un jour, je refais un hit radio, ça n’aura pas été fait dans un moule exprès pour ça, et je pense que ça se ressentira.

En parlant de tes productions, une immense partie sont sorties sur Spinnin’, sous ses différents noms (Deep, Premium…). Peux-tu nous expliquer ta relation avec le plus grand label de musique électronique ? Pourquoi ne pas avoir signé sur des labels d’artistes ?

La grosse raison à ça, c’est que je suis exclusivement signé chez Spinnin’. J’ai un contrat d’exclu avec eux. Mais faut savoir que je pourrais signer sur d’autres labels. Si Spinnin’ ne veut pas d’une prod que je leur propose, je peux la sortir sur un autre label. Mais comme je ne produis pas énormément de sons par an et que je connais assez bien le directeur artistique de Spinnin, on s’entend très bien.

On a souvent une image un peu négative de Spinnin’ : de longues semaines/mois avant de pouvoir sortir un son, une liberté restreinte pour se coller à l’image et la volonté du label… Quel est ton avis sur le sujet ?

Moi, j’ai toute la liberté que je veux. Alors après je sais pas, je vais être très honnête et j’ai un peu l’impression que moi, ils sont contents que je sois un peu une sorte d’électron libre, que je leur propose des trucs un peu différents.. Je pense qu’ils savent de toutes façons que ça sortira sur Spinnin’ Deep et ils aiment bien. Et si tu regardes bien, il y avait Tiga qui avait sorti un son sur Spinnin’ Deep, c’était un remix mais c’était quand même Tiga. Camelphat ont sorti des sons sur Spinnin Deep également. Dernièrement, j’ai vu d’autres artistes de l’underground. Pete Tong a mis en Essential Tune un morceau de Calvin Logue, qui ne sort des sons que sur Spinnin’ Deep et qui est supporté par tous les DJs techno comme Adam Beyer ou Carl Cox. Donc en fait, je te dirais que pour moi Spinnin je le scinde en deux. Il y a Spinnin’ Deep, où il s’octroie une liberté en terme de productions et tu as Spinnin’ normal, où effectivement, il y a plus un moule. Je pense aussi que les artistes sont plus jeunes et font du Spinnin. Souvent, ils sont hollandais et il y a cette culture là. Alors, je pense que ça va évoluer, parce que le son Spinnin en tant que tel, c’est plus vraiment le son que tu retrouves dans le top 10 Beatport. Donc, c’est à voir. Spinnin n’a pas la meilleure image car c’est sûr qu’il a ce côté « usine ». Mais le directeur artistique a une grosse culture, connaît tout le monde dans le métier et est capable de signer un très bon morceau underground comme un morceau plus commercial. Après, faut savoir que les DJs underground vont préférer aller signer sur un Defected ou un Toolroom au niveau de l’image.
Pour la petite histoire, lorsque j’ai fini “Bullit”, je l’ai envoyé à Defected, Toolroom, tous ces labels-là plus underground que Spinnin’. Et Spinnin, ce sont les seuls à m’avoir répondu. Donc si tu veux, je n’ai même pas eu de choix et c’est le jour où Pete Tong a mis le son en Essential New Tune sur Radio 1 que j’ai eu des réponses d’autres labels, bizarrement. Moi, je l’ai remercié.

Avant de percer, en 2013, tu as sorti ton EP “Sparks” indépendamment sur ton label Wä Recordings. Maintenant que tu t’es créé un nom dans le monde de la musique, as-tu déjà pensé à re-donner vie à ton label afin de gagner en liberté et/ou de mettre en avant de jeunes producteurs ?

C’est comme je te disais, lorsque je suis descendu dans le sud, je me suis dit « je vais faire ça sans aucune pression ». Je me suis dis que j’allais faire la musique que je voulais et au pire que je la mettrais sur Soundcloud, en attendant les feedbacks. J’ai monté Wä Recordings, tout bêtement, rien de super officiel, je l’ai mis en distribution sur Beatport.

J’ai essayé en 2007 de faire ça (ndlr : monter mon label et donner la chance à de jeunes producteurs) sous d’autres noms, et ça m’a fait perdre beaucoup de temps, d’énergie, et je me suis rendu compte que c’était un truc pas forcément fait pour moi. Je me suis juste dis que moi, mon envie c’est de faire de la musique, de la sortir et de me concentrer là dessus. Je pense qu’il y a des gens qui y arrivent très bien à monter des labels, mais je pense que c’est pas pour moi.

Tu as lancé ton radioshow “Bonjour” il y a 2 ans déjà, et tu réalises également des soirées du même nom. Tout ça, ça représente quoi pour toi ? Le nom, tu l’as choisi en clin d’oeil pour notre beau pays ?

J’aime bien les noms très simples. Le mec a choisi Watermät, c’est pas ce qu’il y a de plus simple (rires), mais j’avoue que pour la suite, c’est vrai que j’aime les choses assez simples et je voulais que ce soit français. Je trouvais que “Bonjour”, ça avait les deux. C’est le mot français le plus simple qui soit, connu partout et j’aimais bien.

Depuis 2014, tu as joué dans de superbes lieux et festivals, à l’image de Tomorrowland. Quel est ton meilleur souvenir sur scène ?

J’ai joué deux fois à Tomorrowland et c’était à chaque fois super ! La première fois, c’était sur la scène de Martin Solveig. Elle était dans un entrepôt, je ne sais pas combien il y avait de personnes mais j’avais l’impression de jouer devant 20 000 personnes. C’était vraiment excellent car il y avait une superbe énergie, les gens étaient hystériques, c’était vraiment cool. La seconde fois, c’était dans la petite clairière, la scène de The Magician. C’était aussi super ! J’ai bénéficié d’un super horaire car il n’y avait pas encore des mégas artistes sur la mainstage. Du coup, c’était plein et c’était parfait !
Niveau expérience, j’ai connu la grosse période du Zig Zag à Paris où j’y ai joué 5 fois si je me souviens bien. C’était dingue en terme d’énergie et proximité avec le public. Il y avait un truc particulier ! Au Brésil aussi, où j’ai joué dans un club qui s’appelle Laroc qui figure dans le classement DJ Mag. Ce n’est pas le plus gros club car le plus gros club, c’est Green Valley et là, c’est vraiment la rencontre du troisième type. Tu es dans une soucoupe qui s’illumine et les gens sont hystériques. Sincèrement, Tomorrowland, ça m’a vraiment marqué mais j’ai connu aussi de très bons autres endroits. J’en ai plein la tête.

Tu joues ce soir à l’Opium Club de Toulouse, incontestablement l’un des meilleurs clubs de France. Dans quel état d’esprit te sens-tu ?

Je suis très excité, même si je suis un peu stressé avec les gilets jaunes. Je suis super content d’être là, j’ai beaucoup entendu parler de ce club et c’est cool.

Quels sont tes projets qui arrivent ?

J’ai deux morceaux qui vont venir sur Spinnin’ et je pense que le premier va arriver en janvier et le second suivra très vite pour le coup car tout est prêt et masterisé. Je pense que ça va arriver très tôt en 2019. Je suis dans une phase où je produis beaucoup plus qu’avant. J’ai mis un peu entre parenthèses le rythme des tournées, je l’ai un peu calmé depuis deux mois. J’ai donc plus de temps et j’arrive à préparer plus de trucs. Mon idée, c’est vraiment d’augmenter la cadence en 2019. J’aimerais arriver à un rythme d’un morceau tous les deux mois et demi. Je pense que j’ai enfin un peu de stock pour voir venir et j’ai envie de développer ça.

Merci d’avoir répondu à nos questions ! As-tu un dernier message à faire passer ?

Je suis content d’être en France, j’adore jouer ici et je trouve qu’il y a toujours un truc en plus. Peut-être parce que je suis français ! C’est avec plaisir que je suis ici ce soir et j’espère revenir très bientôt.

Réalisation : Valso / Préparation : Valso & Remicrd / Retranscription : So & Remicrd / Montage : Valso

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