Pour fêter son 5ème anniversaire, le label Nowadays a posé ses valises à Toulouse samedi dernier. Avant leur soirée tant attendue au Bikini, nous en avons profité pour discuter avec les deux fondateurs du label : oOgo et Chomsky, membres de La Fine Equipe. Retrouvez ci-dessous l’intégralité de leurs propos :
Salut, pouvez-vous vous présenter pour ceux qui ne vous connaissent pas ?
On est oOgo et Chomsky de La Fine Equipe. On fait partie d’un collectif de beatmakers et DJs qui vient de Marseille. On habite maintenant à Paris et on a monté le label Nowadays Records. On fête les 5 ans ce soir au Bikini !
C’est la question de base de notre site. Quelle est votre définition de la musique électronique ?
Chomsky : C’est hyper large. Pour moi, ce serait simplement de la musique créée à partir d’outils électroniques. Ce n’est pas vraiment un genre mais plus une évolution technologique.
oOgo : Ça évolue avec le temps, c’est passé par plein de trucs ! Au départ ça voulait simplement dire utiliser des machines en dehors des instruments traditionnels. Aujourd’hui, ça n’a plus trop de sens parce qu’on mélange un peu tout. Ça sert peut-être pour expliquer ce qu’on fait comme musique aux plus vieux, dire qu’on reste dans la branche de la jeunesse (rires).
Vous avez lancé votre label Nowadays Records il y a cinq ans déjà. Qu’est-ce qui vous a décidé à vous lancer dans cette aventure ?
Chomsky : C’est simplement l’idée de poursuivre un petit ce qu’on avait commencé à faire avec notre premier album qui s’appelle “La Boulangerie”, qui est aujourd’hui une série de 3 albums. L’idée était d’aller un peu plus loin dans la promotion d’artistes qu’on aimait bien et dans nos projets. C’était aussi pour ne pas attendre qu’un label nous sollicite pour nous signer. On a donc pris les devants et on a monté le label autour de La Fine Equipe.
Quand on lit la présentation du label, on sent une certaine distance avec l’industrie musicale actuelle…
Chomsky : C’est vrai qu’on a un parcours un peu atypique parce qu’on ne sort pas d’écoles de commerce ou autre, on n’a pas suivi le parcours de la plupart des gens dans l’industrie qui passent d’un label à un autre, où tout le monde se connaît. Nous, on a toujours fait nos trucs dans notre coin, avec un esprit assez libre. On a notre propre univers.
oOgo : Il y a eu cette approche de créer juste pour faire de la musique naïvement. On a envie de sortir des trucs, on monte un label et comme ça on sort ce qu’on aime bien. Alors, qu’au fond, on pouvait avoir des connaissances là-dedans. On regardait limite sur un magazine comment faire un disque (rires). On appelait les journalistes en cherchant leur numéro de téléphone dans l’annuaire. Enfin tu vois, on démarrait vraiment à zéro !
Monter un label comme Nowadays, c’est aujourd’hui la seule solution pour faire sa propre musique et en vivre ?
oOgo : Disons que quand tu es musicien et que tu as ta structure, tu vas moins “te changer”. C’est même pas évident parce que tu as à faire à d’autres facteurs. Tu te complexifies un peu ton processus créatif en tant qu’artiste. Donc c’est pas forcément la meilleure solution. Vraiment, il y a des artistes qui arrivent à faire que de la musique et qui ont une équipe autour qui va leur faciliter la tâche. Il faut bien choisir les gens avec qui tu travailles. Mais ce n’est pas forcément la meilleure solution, ni pour gagner de l’argent ni pour faire ce que tu veux. C’est un plus un délire général dans le sens où tu as envie de faire ça. Mais ça n’est pas forcément une facilité dans tout.
Chomsky : Ça dépend dans la démarche aussi. Nous, notre démarche a toujours été de faire rencontrer des gens, même quand on n’avait pas de label. La Fine Equipe a commencé à la radio et le principe était déjà d’inviter des gens, de faire parler de certaines musiques et de nourrir nos projets personnels en incorporant les projets des autres. Il y a toujours eu cet esprit d’échange donc c’était naturel pour nous de continuer en montant un label. Mais après, c’est une formule comme une autre. Ça dépend de ce que tu cherches à faire.
Durant ces années, les chiffres sont assez fous… 75 sorties EP/Albums pour environ 750 titres. C’est pas compliqué de produire une telle quantité sans impacter la qualité ?
Chomsky : On a toujours travaillé tranquillement, on n’a jamais vraiment senti la pression de la quantité. On n’a jamais pensé aux chiffres. C’est juste que les artistes avec lesquels on travaille sont assez pro-actifs et ont tous envie de sortir leurs musiques assez rapidement. Ça va vite en fait : quand tu fais un morceau, tu peux le poster dès le lendemain sur les réseaux.
Pour célébrer cet anniversaire, vous vous êtes lancés dans une tournée. Considérez-vous cette tournée comme une “tournée entre copains”, ou une communion avec votre propre public ?
Chomsky : Les deux ! C’est une bonne excuse pour se retrouver, faire le point sur ces 5 ans et retrouver le public effectivement.
Vous en avez également profité pour sortir une compilation, notamment sur vinyle. Ce côté matériel est important pour vous ?
oOgo : Ouais ! On est assez vieux pour avoir vraiment connu les CDs, vinyles et cassettes. Du coup on a fait tout ce qui était possible sur la compil’ Nowadays V. On a hésité avec le MiniDisc (rires). Ça reste important oui, sans pour autant être à 100% là-dessus. Mais, pour moi, ça reste un moyen de graver la musique, elle reste un peu plus quand même. Avoir le côté palpable des disques à la maison, ça reste plus cool pour le long terme.
En 5 ans, comment la musique électronique a évolué selon vous ?
oOgo : Ce qu’on disait tout à l’heure, c’est que je crois que ça a évolué énormément parce que la musique électronique est devenue de la pop, la musique principale. Et puis, ça évolue en même temps que la technologie. Elle a évolué autant qu’ont évolué nos téléphones et tout ce qui nous entoure. Mais on est encore au début… Sans aller trop loin, avec l’histoire de l’intelligence artificielle, peut-être qu’on pourra faire de la musique sans travailler dans quelques années !
“La Lune Rousse”, sortie il y a 4 ans par Fakear, a été un véritable carton. Pour l’image du label, y a t-il eu un “avant” et un “après” cette musique ?
oOgo : C’est clairement le gros tube qu’on a eu sur Nowadays, mais je l’ai pas vraiment vu comme un “avant/après”, même si Fakear a donné un énorme coup d’accélérateur au label. J’ai remarqué qu’il y avait surtout une scène globale qui est montée à ce moment-là, et c’est ça qui a impacté notre label à cette période. Avant ces 5 ans, ça faisait déjà 5 ans qu’on travaillait sur cette scène “beat electronic”, et je pense qu’on a pu présenter une scène au bon moment, avec tous les artistes que l’on défendait et tous les gens qui étaient autour de nous. Il y a donc eu une grosse effervescence et un grand changement avec ce “boom” de la scène Soundcloud. C’était le moment ! Fakear a été un peu le leader et le porte-parole en France au niveau popularité. C’est ce qu’on voulait faire depuis le début avec “La Boulangerie”, il l’a fait exactement pareil à sa façon : rendre populaire une musique plus “spé” de base. C’est arrivé aux oreilles des gens qui écoutaient un peu de tout. C’est ça qui nous a permis de passer dans une autre cour.
A l’image d’un Møme pour DDM, Fakear est le premier nom qui vient à l’esprit des gens lorsque l’on parle de Nowadays. Pour vous, la popularité d’un artiste met-elle en avant le reste du collectif ? Ou inversement, ça peut leur faire de l’ombre ?
oOgo : C’est un peu les deux. Comme dans tout, il y a des effets pervers. Ça nous met beaucoup en avant ! On essaie de trouver un équilibre entre les artistes assez populaires et les artistes qui ont une musique un peu plus difficile à défendre parce qu’ils ont des formats particuliers. Par exemple dans nos DJ set, on va jouer un tube, et derrière on place un son très “spé”. Si on le plaçait tout seul, peut-être que les gens n’auraient pas réagi. Ça permet d’amener les gens à découvrir des choses. J’ai eu pas mal d’exemples de personnes qui sont arrivés par Fakear, ou même par d’autres artistes, qui ont découverts des artistes comme Skence. C’est toute la force du label ! On essaie de faire découvrir des choses particulières, mais aussi de proposer des choses plus accessibles, qu’on aime tout autant. Mais, ça fait aussi un contre-effet. Quand on parle de nous, on pense à un Fakear, ou plus récemment à un Clément Bazin qui a bien tourné. On résume à ça alors qu’on a quand même environ 750 titres sortis sur le label. Une grande majorité de ces sorties ne sont pas des cartons, mais qui restent tout autant intéressantes et variées. Donc évidemment c’est un peu dommage d’être, des fois, résumé à 2 ou 3 artistes qui tournent un peu plus que d’autres. L’image peut paraître un peu faussée parfois. Mais bon, c’est tellement positif dans l’ensemble que c’est pas un problème.
Chomsky : Je pense qu’avec le temps, ça va se réguler. Les gens vont apprendre à écouter le catalogue, et donc découvrir.
Littéralement, on peut traduire “Nowadays” par “Aujourd’hui” ou “De nos jours”. Quelle image voulez-vous donner à travers le label ?
Chomsky : Quand on a trouvé le nom, on n’avait pas du tout cette idée je crois. C’était le nom d’un morceau de rap qu’on kiffait, et on trouve que ça sonnait bien. On a ensuite trouvé une signification qui semble vraiment logique. Ce qui est beau, c’est que le nom a trouvé sa place tout seul. Pour nous, « Nowadays » signifie que l’on essaie de faire la musique qui nous plaît à l’instant présent. On n’essaie pas de faire des musiques du passé, ou de tenter quelque chose du futur.
oOgo : On aime bien cette idée d’intemporalité des musiques. Dans ce qu’on écoute, on n’a pas de limites d’époques ou de styles. C’est assez large et ça représente bien cette notion que l’on a un peu “en dehors du temps”.
Chomsky : C’est tout simplement quelque chose qui ne meurt jamais. Parce que le futur meurt tout le temps. Là tu vois, il meurt. Là, il meurt encore. Là aussi (rires) ! Le présent lui, ne meurt jamais.
Quels sont les projets à venir pour le label ?
oOgo : Il y a toujours ce travail de compil’ qu’on aime bien, et donc qu’on va continuer. On a commencé avec ça, parce que La Boulangerie, nos premiers albums, c’est quasiment des compils. On a également des projets où une personne fera le curateur de la compil’ en essayant de réaliser ça à travers le monde. On va en faire une sur l’Inde, on en avait fait une sur la Belgique, et une sur le Canada. On veut à chaque fois faire découvrir une scène ou des artistes dans des styles différents ou dans une autre situation géographique particulière. J’aime bien cette idée de compil’ même si c’est pas le format très facile à défendre face au stream. Mais bon, elles sont composées de titres inédits donc c’est assez différent. Sinon, il y a l’album de La Fine Equipe qui est le gros projet. On se remet un peu en tournée et en studio. On a sorti notre premier album depuis la création de Nowadays environ, et après on s’est mis à travailler les autres artistes. Du coup, l’album va être notre projet important. Sinon, tous nos artistes vont continuer à sortir des titres et des EPs. On va également continuer les soirées et essayer de faire un peu plus de “Nowadays Party”, en France comme à l’étranger.
Réalisation : Valso / Préparation : Valso, So, Remicrd / Retranscription : Valso