Interview : Goetia

© Goetia

À l’occasion de la tournée Born To Rave, Audiogenic posait ses bagages à L’Arena, le 15 avril dernier. Nous avons eu la chance de pouvoir nous entretenir avec une des artistes présentes ce soir là : Goetia ! Son expérience, son vécu, ses collaborations à venir, la Montpelliéraine s’est confiée à notre micro :

Salut Siham ! Peux-tu te présenter pour ceux qui ne te connaissent pas ?


Salut Lucas, je suis Goetia, DJ et productrice de musique Hardcore depuis 2002.


C’est la question de base du site… Quelle est ta définition de la musique électronique ?


La musique électronique… c’est très vaste. Déjà, c’est de la musique faite avec des machines, à la base avec l’analogique puis de la musique assistée par ordinateur. Elle a connu un essor sur plusieurs années. On a depuis les débuts une émergence de styles : Techno, House et notamment Hardcore.


Il y a un peu plus d’un an, tu jouais déjà à L’Arena. Que penses-tu de la nouvelle configuration et des travaux réalisés par les gérants ?


Je suis très surprise parce que j’ai joué l’année dernière presque à la même date. Je n’avais pas vu les travaux depuis, toute la configuration, le son, le DJ Booth (ndlr : cabine DJ en anglais) également ont changé… Je trouve que L’Arena s’est bien pimpée, ça fait plaisir et j’ai hâte d’y jouer et surtout de tester le système son avec des HardBass !


La goétie est l’art et la pratique d’invocation des démons… À quand une collaboration avec The Satan ?


Ah, c’est une bonne question ! C’est vrai que si on s’intéresse à la définition de Goétia sur wikipédia, c’est ce qui ressort. Je ne me référence pas à la définition sur les démons, parce qu’on a aussi cette mystique avec Salomon, la bague et les 72 démons… En regardant l’étymologie latine, Goetia c’est aussi “le cri des loups”, c’est une façon d’exprimer la rage. Pour autant, le choix de ce pseudo est plutôt lié à mon passé dans le métal, c’est le nom d’un groupe et c’est également l’incipit, le commencement de leur album. Personnellement, c’était surtout un coup de cœur pour ce groupe et cette musique orchestrale qui me touchait particulièrement et l’étymologie latine qui serait l’inspiration pour mon projet en tant que DJ.
Par rapport à la collaboration avec The Satan, on en a déjà parlé, on s’apprécie beaucoup. Tu sais quoi ? Je vais le relancer ! C’est une bonne idée ! Je le connais depuis l’époque Breakcore, j’ai fait une track sur PRSPCT et il est arrivé un peu après sur ce label. Merci d’avoir amené l’idée, je vais le recontacter…


On te rencontre aujourd’hui dans le cadre de la tournée Born To Rave par Audiogenic sur laquelle tu es bookée à chaque soirée. Qu’est-ce qui te relie à Audiogenic et que t’apporte cette tournée ?


Audiogenic c’est l’histoire de mes débuts, pour ne pas la nommer, c’est la personne qui m’a produite quand je me suis lancée. J’ai une grande histoire avec elle, c’est une amie. J’ai fait mon premier EP en 2002 sur Neurotoxic. Au tout début, je postais mes tracks sur un site et un jour, j’ai été contactée par ce label sur Paris qui a adoré ma musique. J’étais super emballée, je suis montée sur Paris pour qu’on se rencontre, on a fait connaissance et l’histoire a démarré comme ça, on ne s’est jamais quittées depuis.
La Born To Rave c’est un retour aux sources pour moi, j’avais sorti 2 ou 3 EPs sur Audiogenic et Neurotoxic plus particulièrement, quelques soirées aussi… Mais depuis, j’ai fait mon petit bout de chemin. J’ai testé d’autres styles, eu d’autres projets. On s’est revus il y a 5 ans et elle m’a proposé de reprendre les projets ensemble. Je réponds donc que je suis motivée et elle me demande de ne pas faire “trop extrême” (rires). Entre-temps, j’ai finalisé d’autres projets puis c’est reparti avec les Born To Rave. Même si c’est un label qui te propose de te produire, c’est le public qui te valide et en l’occurrence, c’est le public Audiogenic qui a été le premier à me soutenir.


Sens-tu la même énergie et bénéficies-tu du même accueil dans toutes les villes où passe la tournée ?


Chaque ville a son énergie, mais la France reste un public très spécial, en positif. J’ai connu le public oldschool, et c’est vrai que ce n’est plus du tout le même, il est encore plus révolté et motivé aujourd’hui. C’est quelque chose qui me touche énormément aujourd’hui. Rennes a une énergie vraiment à part, mais la différence se fait surtout entre les lieux. J’ai adoré Lyon, Caen… Pour les soirées Audiogenic, le public est présent, la soirée est sold out à la plupart des soirées et ça fait plaisir parce que ça montre que ce label a bien travaillé. Je suis super fière de faire partie de cette aventure depuis le début et de la voir évoluer depuis le temps.


Lors de cette tournée, tu as release ton album « The Ancient » (notre review ICI) avec 10 titres tous aussi variés les uns que les autres. Il y a quelque temps, tu nous avais confié vouloir prendre un tournant dans tes productions. Est-ce que cet album marque ce renouvellement ?


Oui, « The Ancient » c’est une nouvelle direction artistique, mais il y a toujours cette empreinte Goetia. 10 titres très différents, j’ai essayé de faire un spectre sur l’histoire du Hardcore. Je voulais un équilibre, du Hardcore moderne sans perdre mon identité. J’ai plus mis l’accent sur des structures “carrées”, du lead sur le côté musical que je boudais avant. Je suis super contente parce que chaque morceau raconte une histoire différente. Après « Incipit » j’ai voulu refaire un côté Industriel, je ne sais pas si les gens le voient de cette manière. Je l’ai théâtralisé. Je l’avais travaillé en Trap parce que j’avais déjà fait des beats pour des gens dans ce style, et j’ai voulu apporter ces techniques et les coller dans la hype d’aujourd’hui. Je n’ai pas honte de le dire, je kiffe le tournant que le Hardcore prend. On peut m’en vouloir pour cela, il faut le dire, mais je suis très ouverte !


Tu as fait le choix de remake « Incipit » avec des sonorités plus Hardcore et moins rapides. Est-ce une véritable volonté de réduire les BPM ?


Ce n’est pas une réduction de BPM, ce n’était pas l’objectif, mais c’était de le rethink (ndlr : repenser, traduit de l’anglais) dans l’orchestral, car à la base je l’ai fait en Trap. Dans la première version, ça démarre avec les vocaux, le déclenchement, le drop et ça part complétement en Trap. Je me disais que le morceau était beaucoup trop accès Trap et j’ai voulu le reprendre en synthé et en lead. J’ai tout refait, pour moi, c’était le challenge de ce morceau et je me suis dit qu’il apportait quelque chose de moi étant donné qu’incipit signifie l’épilogue, le début, le commencement. Cela prend du sens tout en voulant l’axer sur le côté warrior mais avec des kicks assez Industriel Hardcore. Il existe désormais la version Uptempo et la version Industriel et j’adore les deux, je ne pourrais pas dire laquelle je préfère, car c’est devenu l’intro de l’album et je cherchais quelque chose d’assez percutant, lent ou rapide, ce n’est pas le débat.


Au cours de ta carrière, tu t’es essayé à tous les styles du monde Hardcore sans vraiment t’attacher à un en particulier. Quel style préfères-tu composer et quel style préfères-tu jouer en live ?


Cette question est vraiment très difficile, car cela voudrait dire que tout ce que j’aurais fait, il y aurait des choses que j’assume et d’autres non. En tant que productrice, le but, c’est de se challenger parce que je m’ennuie très rapidement et j’ai besoin de me renouveler souvent. C’est peut-être cette ambivalence que j’ai. Je peux me comparer à d’autres artistes qui suivent un filon et le travailler, ce que je respecte, car c’est dur de rester créatif dans une constance, moi, j’aime bien intégrer des choses que j’ai apprises entre temps, les optimiser. Je crois que j’aime tout le Hardcore aujourd’hui, j’ai épousé tout ce qu’il a en lui, j’adore le Terror, j’adore le Speedcore, j’ai fait de la Drum’N’Bass, j’ai fait beaucoup de choses et je me suis éclatée à chaque moment de ma vie. Probablement que les gens pourraient dire que je n’ai pas de style, mais je ne veux pas être dans une box, car je ne me sens pas comme ça et je défendrais toujours la Hard Music corps et âme : c’est un global. J’ai des versants hyper extrêmes en moi, mais c’est un mood, comme la mode, un jour tu as envie de t’habiller en noir et l’autre jour tu veux être négligée. C’est juste une partie de toi-même et il faut que les gens le comprennent, je suis fidèle à la Hard Music, je l’ai défendue en jouant à toutes heures, devant tout type de public. Il faut toujours apporter ce côté dur quoi qu’il en soit.


Dans « Dffrent », on reconnaît parfaitement ta touche avec des vocaux bad-ass, originaux puisque très rarement utilisés par d’autres artistes et des sonorités que l’on retrouve dans tes compositions plus anciennes. D’où vient cette inspiration ?



L’inspiration me vient de la Trap car je suis une grosse fan, bercée avec le Hip-Hop qui a évolué vers la Trap avec tous les nombreux styles de Rap. Par exemple dans l’album « No Man’s Land » (notre review ICI), j’avais beaucoup cette influence Trap et Hard Trap. J’ai commencé à m’ouvrir à d’autres styles typiquement Hard Trap avec toujours de l’underground, car je suis très attirée par l’underground. J’aime le mainstream, mais ce n’est pas trop ma came parce que la chute est prévisible, il n’y a pas de surprise. J’aime beaucoup la façon de jouer du DJ Carnage. Lit Lords, c’est le genre de mec qui m’a influencée le plus et je suis beaucoup le label Hybrid Trap tout comme le label de Yellow Claw. Toute cette influence est arrivée, sachant que Yellow Claw, selon les productions, tu peux avoir Hard Trap underground ou Mainstream, mais j’adore les sets de DJ Carnage qui mélange Hardstyle, House, tout ce que tu veux, c’est du bordel (rires). J’aime le bordel et côté riot que j’ai, c’est ça que je capture chez les autres d’ailleurs. Il y a un style que je pense ne jamais faire : c’est la Techno. Je ne tomberai jamais dans la Techno, car ça n’a jamais été ma came. Pourtant, mon ex était à fond de Techno, il a commencé avec ça, mais ce n’est pas came donc ce n’est pas demain que je vous sortirai une track Hard Techno : j’ai besoin du Hard.


Tu avais lancé un concept, « Hard City », en solo dans un premier temps puis avec Le Bask et The Freaky Bastard. Où en est ce projet ?


Je vais relancer ! Un épisode va arriver au mois de juin. C’est une influence de Lit Lords , né avec la COVID, pour rester connecté avec les fans. Des épisodes vont arriver, le projet a été ralenti par mon divorce, retrouver un travail, un appartement… Je retrouve de la stabilité, d’où la sortie de l’album « The Ancient » qui raconte un peu comment j’ai réussi à m’en sortir. Il va y avoir un livestream Hard City bientôt.


Tu as participé à l’événement « Puzzy Power » le 04 mars dernier avec majoritairement des femmes dans le line-up. Est-ce important de mettre en avant la puissance féminine dans le milieu Hardcore ?


Je suis très mitigée, car je n’y ai jamais vraiment accordé une importance. Quand j’ai commencé, je l’ai toujours dit, la musique est androgyne. Dans notre milieu, en tout cas mon avis personnel, c’est que les femmes trouveront toujours leur place parce que la priorité est la musique. Notre ADN, notre vraie culture est le Hard, ce n’est pas parce qu’on est des femmes ou des hommes. Je ne sais pas pourquoi il y a ce débat-là d’ailleurs. Je connais plein de femmes, des jeunes, elles ne sont même pas dans ce trip-là, mais on vit également une nouvelle époque. Je crois que les femmes subissent beaucoup de discrimination dans ce milieu, pas spécialement dans le Hardcore car outre quelques trolls sur les réseaux comme dans tous milieux, je ne crois pas qu’il y ait des gatekeeper qui ferment les portes aux femmes puisque les femmes sont les bienvenues dans le Hardcore. Dans une autre industrie musicale peut-être un peu moins, mais je n’ai jamais souffert de ça. Cela peut certainement arriver maintenant, car les femmes sont dans un essor, elles s’affirment, elles ont des vraiment personnalités, dévouées, ont leur propre le style. Les réseaux sociaux ont mis en avant les femmes, mais il n’y en a toujours eu. Dans notre culture, notre mouvement, on s’en est toujours un peu foutu de ces conneries non ? Je pense que ça devrait continuer : je kiffe ta musique ou pas, et pas je kiffe ta gueule ou pas.


Cela fait un moment que tu es présente sur la scène Hardcore, quelles sont tes ambitions et comment te vois-tu évoluer dans les prochaines années ?


Très bonne question. Ma visibilité du futur, c’est de continuer à produire et à exploser. Je suis une aventurière dans ce milieu, je n’ai pas la prétention de dire que je lead quelque chose. Je suis plus freemind, je continue de faire ce que j’ai envie de faire, car j’ai besoin de le faire en tant qu’être humain et toujours d’exposer la musique Hardcore. Ma mission depuis le début a été un petit peu dans cette direction, je continuerais à le faire et peut-être qu’il y aura des gens en désaccord avec mon exploration. On est une seule famille dans ce milieu, car on est un petit milieu et je continuerai toujours à représenter cette musique avec fierté et tout ce qui va avec, et surtout à continuer de balancer du kick (rires).


Quels sont tes projets pour la suite ?


Très bonne question ! Je ne peux pas trop en parler, mais il y a un EP qui va arriver, des morceaux sont prêts. Il y aura des surprises.


Il y aura une collaboration avec The Satan ? (rires)


J’aimerais vraiment, mais tu sais quoi ? Je vais m’y afférer, car je m’entends bien avec lui. Quand j’avais fait « Make It Work » il avait kiffé, il m’avait fait un bon feedback et je m’y attendais pas ! Sinon, continuer à faire connaître notre musique et notre mouvement, pour moi, c’est la priorité et c’est quelque chose de très sérieux chez moi.


Merci d’avoir répondu à nos questions. As-tu un dernier message à faire passer ?


Hardcore jusqu’à la mort !

Préparation : Lutel, Listel, Valso / Réalisation : Lutel, Listel / Retranscription : Lutel, Listel

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